Prix du pain, les consommateurs dans la farine

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Quelle solution durable pour le pain au Sénégal, c’est autour de cette problématique que l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (Cicodev Afrique) a invité les acteurs du secteur. Le temps d’une après-midi, des débats parfois houleux ont permis de mettre en lumière les enjeux autour de ce produit fortement consommé dans le pays.

Le pain est une denrée omniprésente dans le menu des Sénégalais, qui en consomment 3 millions de baguettes par jour. Mais depuis quelques années, les bras de fer se succèdent entre l’Etat, les boulangers et les minotiers.

Grèves, négociations et hausses des prix en font un secteur toujours en proie à des tensions. Pour réfléchir sur les problèmes qui bloquent ce secteur, l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (Cicodev Afri¬que) a posé le débat le vendredi dernier, dans les locaux de la Fondation Rosa Luxemburg. Autour du thème, Le pain ! Quelle solution durable ? Les parties prenantes ont essayé de démêler l’écheveau qui a conduit à une succession de hausses des prix du pain.

Mais d’emblée, Aliou Thiam, vice-président de la fédération des boulangers du Sénégal explique que le problème du pain n’est pas lié à son prix, mais bien à sa qualité. «Depuis 2000, on a politisé la question du pain en disant que c’est le prix qui détermine la qualité, mais ce n’est pas vrai», soutient le boulanger qui explique que le pain est passé de 335 grammes à 210 grammes aujourd’hui. M. Thiam ne manque pas d’ailleurs de rejeter la faute sur les meuniers qui, selon lui, définissent le prix de la farine selon leur bon vouloir.

Faux ! Rétorque Claude Demba Diop, Directeur adjoint de Nma Sanders. Le minotier explique qu’en fait, malgré la différence de régime entre le pain qui est sous homologation et la farine qui est soumise à la concurrence, les prix restent tributaires des fluctuations du marché mondial. M. Diop dégage toute responsabilité de sa corporation dans cette spirale de hausse. «Les meuniers ne sont nullement responsables des problèmes des boulangers», assure-t-il en expliquant que ces problèmes sont plutôt liés aux prix de l’électricité et du gasoil, mais surtout aux distributeurs. Position que ne partage pas le Directeur exécutif de Cicodev Amadou Kanouté. «Quand il y a des allégations de pratiques anti-concurrentielles comme évoquées dans le secteur des meuniers, il faut que la commission nationale de la concurrence s’autosaisisse», estime le consumériste, qui exhorte en outre les autorités à faire des efforts sur la Taxe sur la valeur ajoutée (Tva).

Pour le directeur régional du commerce de Dakar, Omar Diallo, c’est plutôt le système de distribution du pain qui est en cause, car il favorise les distributeurs. «Les boulangers supportent des taxes en amont qu’ils ne peuvent pas répercuter en aval.  Si les boulangers assuraient eux-mêmes la vente du pain dans des kiosques, on verrait tout de suite une baisse des prix du pain», explique le fonctionnaire, qui indique que, de toute façon, à la place des baguettes de 210g règlementaires, ce sont plutôt des baguettes à 190g que les boulangers commercialisent au même prix. Résultat, le prix du pain reste élevé et la qualité laisse à désirer. Ce qui pousse les consommateurs à se tourner vers le pain traditionnel, tapa lapa au grand dam des boulangers qui crient à la concurrence déloyale.

Malgré une loi de 1977 qui interdit la commercialisation de ce pain, il s’est taillé aujourd’hui 20% de pénétration. Ce qui doit appeler à une réflexion selon les panélistes, qui préconisent plus d’encadrement et une amélioration des conditions d’hygiène dans la préparation. Très houleux par moment, le débat organisé par Cicodev a aussi permis de soulever la question de la souveraineté alimentaire, avec l’existence de possibilités de production de blé dans la vallée du fleuve Sénégal mais aussi de développement de pains enrichis aux céréales locales.

 

Le Quotidien
 

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