Le droit ayant parlé, place à l’action citoyenne!

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Le droit ayant parlé, place à l’action citoyenne! 

Les législations foncières ouest africaines placent explicitement ou implicitement tous les acteurs sur le même piédestal dans l’accès à la terre…

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14 Février 2015 – Combler le déphasage entre les textes et la réalité de terrain

Les législations foncières ouest africaines placent explicitement ou implicitement tous les acteurs sur le même piédestal dans l’accès à la terre. Les constitutions des pays affirment l’égalité de l’homme et de la femme dans l’accès à la terre.
Le droit a pris position !

Mais sur le plan factuel, les droits fonciers des femmes ne sont pas effectifs. Et pourtant

«les femmes contribuent généreusement à l’économie et constituent une importante proportion de la main-d’œuvre agricole au niveau mondial. Si on leur donne les mêmes ressources qu’aux hommes, elles peuvent faire bien plus. La FAO estime que si les agricultrices (43 pour cent de la main-d’œuvre agricole dans les pays en voie de développement) bénéficiaient du même accès aux ressources agricoles que les hommes, la production des fermes tenues par des femmes dans les pays en voie de développement pourrait augmenter de 20 à 30 pour cent, ce qui pourrait réduire le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde de 100 à 150 millions de personnes[1]».

Mise à part l’ineffectivité de l’application des textes, des formes de discriminations fondées sur des considérations coutumières, culturelles, religieuses entretiennent l’exclusion des femmes de l’exercice de ce droit. Plusieurs études en attestent[2] . L’accès et plus particulièrement la propriété obéit généralement au régime foncier patriarcal où l’héritage est exclusivement réservé aux hommes.

Les femmes peuvent accessoirement accéder à la terre mais ne peuvent la posséder.

Ce déphasage entre textes et réalités est visible dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest et crée des situations d’insécurité juridique en permanence.
Le droit ayant parlé, place à l’action citoyenne !

L’éducation, la formation, la sensibilisation pour l’émergence d’une citoyenneté active qui expose l’ineffectivité des lois adoptées aux niveaux local et national, exécutif, législatif et judiciaire, urbain et rural ; une citoyenneté active qui exige des décideurs et autorités traditionnelles la mise en adéquation des textes que nous nous sommes donnés avec les réalités vécues par les citoyens.

Des exemples d’actions entreprises par les femmes elles-mêmes avec des groupes de citoyens et des partenaires au développement au Ghana et au Cameroun, au Kenya et en Tanzanie[3] ou encore en Ethiopie[4] nous inspirent et nous convainquent que cette transformation sociale et de comportement est…possible ! pour rendre effectifs les droits fonciers des femmes.

Tout comme les femmes, les petits exploitants – 65% des 210 million d’habitants de l’Afrique de l’Ouest dépendent de la terre pour leur survie – font aussi face à la lancinante question de comment sécuriser leurs rapports à la terre.
Les états privilégient l’agrobusiness au détriment des femmes et des petits exploitants

Les politiques et législations foncières en l’Afrique de l’Ouest accordent généralement à l’Etat le privilège du contrôle de la terre. L’inquiétude – légitime – des exploitations familiales trouve sa source dans la tendance de nos Etats à privilégier l’agrobusiness à leur détriment.

Ce parti-pris fait planer une menace – une insécurité juridique permanente – non seulement sur les droits d’usage des exploitations familiales mais également et simplement sur leur faculté et capacité à contrôler la terre. Accéder à la terre sans la contrôler insécurise les droits fonciers.

Les ruées massives sur les terres constatées dans plusieurs pays en Afrique[5] plaident en leur défaveur et créent des conflits fonciers et d’intérêt entre agrobusiness et petits exploitants dans plusieurs pays en Afrique de l’ouest : Fanaye et Diokoul au Sénégal, SOCFIN en Sierra Leone, Delta du Niger au Mali.
Quelles approches de sécurisation des droits fonciers des couches vulnérables?

Les réformes et élans de réformes foncières en Afrique de l’ouest ne sont pas fondés sur les mêmes approches.

Le juridisme, consacré généralement dans les pays ouest-africains[6], consistant à adopter d’abord une loi puis la politique foncière est à l’antipode d’un processus de réforme rationnel.

Tel était le cas au Sénégal avec la première Commission Nationale de Réforme Foncière (CNRF) de décembre 2012 qui prévoyait d’adopter une loi foncière généralisant la propriété foncière sans au préalable proposer une politique foncière prenant en compte la diversité des acteurs ainsi que leurs attentes. Cette approche ne prenait pas en compte non plus l’incongruité des situations sur le terrain où plusieurs études avaient révélé que plus de 650 000 hectares de terres cultivables avaient été octroyées à quelque 17 investisseurs privés en l’espace de 10 ans[7] dans des conditions opaques au détriment des petits exploitants.

A l’opposé de cette approche, l’approche concertée et participative des communautés de base – adoptée par la nouvelle CNRF – pour la formulation préalable d’une politique foncière avant l’adoption de la loi devrait servir de modèle idéal si l’on veut assurer la sécurisation des droits fonciers des groupes vulnérables comme les femmes et des petits exploitants.

Fortes de cette ouverture au Sénégal, les organisations de la société civile (OSC) comme Enda PRONAT, CICODEV Afrique et des organismes de recherche/développement comme le CIRAD expérimentent un outil de simulation pour recueillir les propositions foncières des communautés de base qui seront reversées dans les travaux de la nouvelle Commission Nationale de Réforme Foncière.
Ouverture des décideurs et du législateur, engagement des OSC

Cette approche participe à l’émergence d’une citoyenneté paysanne active pour faire des communautés de base des leaders dans les processus de décisions foncières.

Tel a été le cas à Diokoul au Sénégal où les Paysans Sans Terre appuyés par CICODEV dans une campagne qui a duré deux ans ont réussi à récupérer ¾ des terres dont ils avaient été expropriés par une ferme privée. Mais plus visionnaires encore, ils ont fini par investir le nouveau conseil municipal issu des élections locales de mars 2014 et y gèrent la commission domaniale chargée des questions foncières.

L’approche proposée ou recherchée qui doit prévaloir pour l’élaboration d’une réforme foncière doit être basée sur une politique foncière construite à partir d’une vision d’aménagement du territoire.

Cette vision prendra en charge au moins cinq des fonctions de la terre, avant d’être élaborée sous forme de loi foncière:

Nourrir les hommes et le bétail et leur servir d’habitat ;
Créer des emplois pour les populations : hommes, femmes et jeunes;
Protéger les ressources naturelles et le climat;
Générer des ressources pour l’Etat ;
Créer des richesses pour l’investisseur.

Aucune de ces différentes fonctions ne doit être privilégiée au détriment de l’autre sans une concertation avec les acteurs dans leur diversité pour une décision consensuelle, inclusive et …durable ; car prenant en compte les intérêts de chacune des parties.

Amadou C. Kanouté et Mohammadou H. Kanouté, CICODEV Afrique, Dakar, Sénégal.

Source: http://ng.boell.org

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