Dakar va être d’ici peu une région sans activités agricoles, si le problème d’accès à l’eau pour les maraîchers n’est pas résolu. C’est la mise en garde faite par l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement ( CICODEV), qui présentait mardi les résultats d’une étude sur la politique pour l’eau productive dans les Niayes. «Si ce problème d’eau n’est pas pris à bras-le-corps par le gouvernement, le département de Rufisque et la région de Dakar risquent à moyen terme d’être rayés de la carte agricole du Sénégal», a indiqué le document, s’appesantissant sur le ressenti de maraîchers interrogés dans le cadre de l’étude.
En effet, 90% des propriétaires d’exploitations familiales interrogés ont avoué que le manque d’eau est leur principale préoccupation. Baisse progressive de la nappe, inaccessibilité pour la majorité aux nouveaux forages dédiés, cherté du coût pour un raccordement à la Sen’Eau, discontinuité dans l’alimentation sont, entre autres, les points mis en avant par les maraîchers. «Les fortes menaces liées à l’accès à l’eau font craindre une disparition progressive de ces exploitations familiales», a soutenu le rapport, indiquant que le département de Rufisque devrait plutôt être renforcé davantage pour continuer à être la principale source d’approvisionnement en fruits, légumes et volailles de la région. «Les menaces qui pèsent sur les maraîchers confrontés à l’accès à l’eau sont multiples et certains commencent à se faire sentir. Les maraîchers abandonnent le métier et vendent leurs terres, les légumes et les fruits deviennent rares et les prix connaîtront une hausse», a sombrement dégagé en perspective l’étude effectuée sur un effectif de maraîchers de la zone des Niayes, particulièrement de Rufisque, qui englobe les deux tiers de la superficie de la région et concentre principalement l’activité.
L’étude a démontré que la consommation d’eau dans le département de Rufisque a augmenté de 17% du fait de l’urbanisation galopante et ce, au détriment des exploitations familiales. «Tant que la population augmentera, il en sera de même de la croissance des demandes alimentaires. De même, l’attractivité de cette zone et le développement des activités socio-économiques contribuent à l’augmentation exponentielle des besoins en eau», a mis en exergue l’étude. «Il faut donner de l’eau pour l’usage ménager, donner à boire aux animaux, mais il faut donner également de l’eau aux exploitations familiales pour produire les fruits et légumes que nous consommons», a relevé Amadou Kanouté, directeur exécutif de CICODEV. Plusieurs entités impliquées à ce problème d’accès à l’eau productive, dont la Sen’Eau, ont pris part à la restitution de l’étude à la mairie de Rufisque.
Le premier vice-président du Conseil départemental de Rufisque, Pr Gorgui Ciss, s’est réjoui de l’étude qui dégage des perspectives à même de pérenniser la ressource en eau pour permettre au département de poursuivre sa vocation agricole. Revoir le mode de gestion des forages dédiés (Beer Thialane et Thiaroye), développer des systèmes de transfert d’eau douce à partir des zones favorables, accompagner les exploitants dans leur partenariat avec les institutions financières pour l’installation d’ouvrages hydrauliques appropriées, créer des espaces à vocation agricole sécurisés et réservés exclusivement à l’agriculture sont les pistes déclinées par l’étude pour résoudre la question. Le pays dispose en effet de ressources hydrides renouvelables, évaluées à 4 750 m3 par habitant par an, selon l’étude, un ratio bien au-delà de la valeur de référence de pénurie d’eau évaluée à 1 000 m3 par habitant et par an.
Par Alioune Badara NDIAYE – Correspondant – abndiaye@lequotidien.sn