RESULTATS DE L’ENQUETE SUR LES IMPACTS DE LA COVID-19 SUR LA SECURITE ALIMENTAIRE AU SENEGAL

La pandémie de la COVID 19 a fini d’installer le monde dans une crise qui menace à la fois les voies et les moyens d’existence des populations. Cette menace est encore plus marquée en Afrique où plus de 2/3 de la population sont en situation de précarité alimentaire. Ces personnes vulnérables sont les plus exposées face à la pénurie de denrées alimentaires. Au Sénégal, le mauvais bilan de la saison des pluies 2019 annonçait déjà une situation d’insécurité alimentaire et de malnutrition accrue et préoccupante, selon un rapport de la FAO de novembre 2019. L’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) a déclaré qu’au moins 975000 personnes avaient été touchées par la sécheresse au Sénégal[1]. Déjà en 2019, des signaux d’insécurité alimentaire étaient perceptibles sur le terrain.

CICODEV Afrique a mené une enquête au mois de Mai 2020 à travers ses 16 points focaux répartis dans les 14 régions du Sénégal pour recueillir l’avis et le ressenti des populations sur l’impact que cette crise a sur leur quotidien et leur sécurité alimentaire et nutritionnelle. Il est revenu qu’au Sénégal, la vie économique de certaines régions est marquée par les échanges économiques au sein des marchés quotidiens, hebdomadaires (louma) ou supermarchés, ces lieux où les consommateurs s’approvisionnent en produits de toutes sortes : denrées alimentaires agricoles, maraîchers, aliments de bétail, produits phytosanitaires, volaille, produits cosmétiques, habillement, sont de véritables zones de brassage économique et culturelle.

À l’image des Louma de Kolda qui polarisent plus de 60 villages environnants avec plus de 600 tonnes de riz, plus de 300 tonnes de céréales et plus de 800 tonnes de légumes vendus par mois, la région renferme le plus grand marché hebdomadaire de l’Afrique de l’Ouest : le « Louma de Diaobé » avec un chiffre d’affaire de 700 000 000 FCFA par semaine. La fermeture du marché de Diaobé pendant 8 semaines a entrainé un manque à gagner estimé à environ 5 milliards de FCFA.

À l’évidence, la fermeture de ces marchés hebdomadaires aujourd’hui rouverts avec les mesures d’assouplissement dans les différentes régions du pays a eu des impacts non négligeables dans l’approvisionnement en denrées alimentaires des populations avec une flambée des prix, une rareté des produits agricoles, animales et végétales, une inaccessibilité et une indisponibilité des produits de qualité couplées à des problèmes de stockage.

« L’enquête menée par CICODEV révèle à suffisance qu’il existe de réelles menaces d’insécurité alimentaire qui peuvent engendrer un affaissement de l’économie nationale. Son objet s’inscrit en droite ligne de notre mission de générer des connaissances sur les impacts des choix et modèles des citoyens et d’informer, de défendre, de protéger, d’éduquer et de représenter les consommateurs, avec un accent particulier sur les droits des plus défavorisés », déclare Amadou Kanouté Directeur exécutif de CICODEV.         

Les menaces immédiates des mesures de confinement sur la sécurité alimentaire en ville et dans les villages n’ont pas été sans conséquence et ont pu restreindre l’accès des populations à des ressources alimentaires suffisantes, diverses et nutritives. Les obstacles rencontrés par les producteurs sont essentiellement liés à la conservation des produits périssables, une situation difficile du fait de l’absence de centres de stockage dans certaines régions et des difficultés d’accès au crédit dans les banques. «Il faut ajouter à ce décor que les populations sont obligées de parcourir de longues distances pour s’approvisionner avec des risques de non-disponibilité des produits. Ces problèmes, faut-il encore le rappeler, concernent la quasi-totalité des régions du pays, de Kébémer à Matam, en passant par Tambacounda et Kédougou», déclare Khady Thiané NDOYE, Chargée de Programme Accès durable à une alimentation saine et nutritive à CICODEV. 

Face à ces difficultés, des solutions d’adaptation, d’innovation dans la chaîne d’approvisionnement en nourriture sont mises en place. Dans les localités de Fatick, Kébémer, Tambacounda et Ziguinchor, les populations s’organisent pour s’approvisionner lorsque les légumes ou poissons sont à bon prix. Certains achètent et stockent des grandes quantités de produits alimentaires  (riz, sucre, lait, dattes, œufs…) afin de prévenir les ruptures de stock. Tandis que d’autres s’approvisionnement en denrées périssables pour ensuite les mettre au frais à côté du canari ou chez les voisins qui possèdent des réfrigérateurs.  La livraison à domicile à travers internet ou par téléphone fait également partie des mécanismes de résilience notés dans certaines localités. Un système de circuit court qui est en plein essor dans plusieurs capitales régionales comme Kédougou du fait de l’accessibilité à internet, la facilité des opérations et la sécurité des transactions.  

 

La crise de la COVID 19 continue d’avoir des impacts forts négatifs sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations surtout les plus vulnérables. Mais, cette crise a aussi permis de voir et de mesurer les capacités de mobilisation, d’organisation et d’adaptation de différentes catégories d’acteurs. Cette adaptation s’est faite dans la solidarité, la mutualisation des idées et des approches novatrices avec des politiques plus sensibles aux réalités locales qui placent l’être humain au centre de tout développement.

Pour mieux faire face aux effets de la pandémie l’Institut Panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement (CICODEV) exhorte l’État du Sénégal à:

 

  • Mettre en place des stocks de sécurité pour garantir la disponibilité permanente des produits alimentaires sains et nutritifs de première nécessité à un coût acceptable pour les consommateurs les plus démunis
  • Réduire autant que possible la dépendance du marché et surtout extérieur pour assurer la sécurité alimentaire de ses citoyens
  • Favoriser l’émergence de systèmes alimentaires (production, transformation, distribution, stockage, consommation, gestion des déchets) plus durables, plus résilients et plus favorables aux exploitations familiales locales.                                          

Telécharger l’etude

Plus d’informations sur www.cicodev.org

 

Contacts : / 774991133/ 78 1715327

[1] https://www.senagriculture.com/article/le-senegal-sous-la-menace-d-une-insecurite-alimentaire

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