Crd de vulgarisation de la réforme foncière à Saint-Louis : Pr Sourang retrace la mission de la Cnrf... |
«Au moment où le pays veut faire de l’agriculture le piler de l’émergence économique et de la centralité des paysans et des pasteurs les acteurs du développement économique, il est bon de clarifier le débat juridique», estime Moustapha Sourang. Le président de la Commission nationale de réforme foncière (Cnrf), qui présidait un Conseil régional de développement (Crd) mardi à Saint-Louis, a rappelé qu’il y a eu deux grandes lois majeures au Sénégal. La loi de 1964 qui a créé le domaine national et la loi de 2004 qui a créé les conditions d’une modification ultérieure. Selon le professeur, la loi sur le domaine national a montré quelques limites objectives, car elle couvre 95% des terres du Sénégal, mais sa particularité est que le domaine national ne peut être ni vendu ni aliéné, encore moins prêté. Ce qui fait qu’en quelque sorte, 95% des terres du Sénégal sont un terroir qui est un bien dormant ou bien un bien mort parce que ne pouvant pas faire l’objet d’hypothèque par les banques pour avoir des crédits permettant de travailler la terre. On ne peut également pas les céder à ses descendants ni les louer, alors que l’agriculture moderne nécessite une mise en valeur, de la prévisibilité et une sécurité foncière, si bien qu’il y a une précarité globale qui se prête à la loi sur le domaine national. Pour le président de la Cnrf, beaucoup de bailleurs de fonds qui veulent investir aux Sénégal disent qu’ils ne peuvent pas mettre des milliards sur des terres qui ne leur appartiennent pas, car ils n’ont pas un droit d’usage ; ce qui constitue un élément de dysfonctionnement très important. Il ajoute que beaucoup de financements sont bloqués aujourd’hui parce que les gens estiment qu’il y a une incertitude juridique qui fait que le climat de l’investissement en matière agricole est gelé et ne correspond pas à l’intérêt du pays. Alors que le Sénégal, de par sa position géographique très favorable, dispose d’un avantage comparatif énorme, car pouvant vendre dans de bonnes conditions toute sa production horticole en Europe et en Amérique, à l’image de pays comme Israël qui exporte une bonne partie de sa production fruitière dans ces pays. Moustapha Sourang a révélé par ailleurs qu’en 2004, la loi agro-sylvo-pastorale a fait un grand pas en faisant de sorte que la terre soit une zone de droit économique réelle. «On est passé d’une gestion sans droits réels à une gestion avec des doits réels dans laquelle la terre peut être cédée aux héritiers et peut être aliénée dans des conditions restrictives et de contrôle.» Aujourd’hui, indique le professeur Sourang, il s’agit de voir avec cette nouvelle réforme foncière comment avoir un compromis juridique et un équilibre en trouvant une méthode juridique qui permet de concilier des droits réels qui permettent à la collectivité de garder la maîtrise sur la terre, mais aussi des droits qui puissent lui permettre d’avoir des recettes et des droits qui permettent aux bailleurs d’avoir des périodes de longue durées de sécurité juridique. Pour ce faire, la commission a estimé que le bail emphytéotique qui est une technique qui existe en droit sénégalais peut être étendu dans le domaine de l’agriculture sur le foncier pour remplir cette fonction. Introduire le Cadastre rural dans la gestion foncière«Il s’agira donc au terme de la réforme de voir si l’Etat va dans le futur donner par bail les terres aux Collectivités locales qui feront des sous baux aux utilisateurs ou faut-il donner ces terres directement aux paysans», a expliqué l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur sous le régime de Wade, qui a révélé que le Cadastre rural sera introduit dans la gestion foncière afin de mieux délimiter les Collectivités locales.Selon Moustapha Sourang, le président de la République a mis en place en 2012 cette Commission nationale de réforme foncière chargée de réfléchir sur les questions de la gestion foncière dans le but surtout de corriger les difficultés de mise en œuvre des différentes réformes foncières. Sur la convocation du Crd qui a regroupé à Saint-Louis l’ensemble des autorités administratives, les élus locaux et autres acteurs, Pr Sourang indique qu’il a pour objectif de partager afin d’éviter une réforme parachutée de Dakar avec des textes déjà conçus avant d’aller demander aux populations de réfléchir ou d’amender. «Nous avons préféré une démarche de co-construction de la réforme à partir d’un certain nombre d’axes», dit-il, expliquant par ailleurs que la Commission de la réforme foncière a pour mission de faire le point sur l’état des textes en définissant clairement le corpus législatif qui existe au Sénégal depuis la période coloniale jusqu’à nos jours, de soulever tous les éléments, les discontinuités, les dysfonctionnements et les vides juridiques qui existent dans la législation foncière et de faire en sorte que des solutions de remédiation, de gestion de redressement soient trouvées afin de lever les contraintes et éviter les conflits sur le terrain, à l’image de ce qui se passe à Saint-Louis où beaucoup d’attributions de terres font l’objet de contestations pouvant déraper et créer des troubles.
Source: http://www.lequotidien.sn.