CICODEV avait salué l’annonce du chef de l’Etat le 31 décembre instruisant le ministre des Finances d’engager des réformes afin qu’il ne soit plus possible d’octroyer des titres fonciers sur les terres arables. Suivant la question de près, l’organisation de défense des citoyens-consommateurs rappelle au président Macky Sall sa promesse et appelle à sa matérialisation urgente.
En rendant impossible la délivrance de titres fonciers sur des terres arables, l’Etat protège les droits fonciers légitimes des communautés locales qui les exploitent depuis des décennies. C’est pourquoi l’organisation de défense des citoyens-consommateurs, CICODEV, plaide pour l’introduction au plus vite d’une réforme en ce sens.
Dans un communiqué parvenu à «L’AS», elle a rappelé que c’est une vieille doléance des organisations de la société civile réunies au sein du Cadre de Réflexion et d’Action sur le Foncier au Sénégal(CRAFS), notamment dans le cadre du processus de la réforme foncière engagée depuis 2012. «Ce processus dont toutes les parties prenantes ont salué le caractère exhaustif et consensuel a permis de produire un document de politique foncière en 2017. Ce document préconise le respect de l’esprit de la loi 64 – 46 du 17 juin 1964 portant Domaine national et que l’immatriculation, s’il doit y en avoir, doit être faite au cas par cas », lit-on dans la note signée Cicodev. Elle dit être convaincue que c’est simplement de cette façon qu’on peut protéger notre patrimoine foncier contre un éventuel accaparement par des investisseurs étrangers. «Le foncier est source de vie et de survie en milieu rural, une ressource indispensable à la souveraineté alimentaire pour le Sénégal », indique l’organisation.
A l’en croire, concrètement, cette position du chef de l’Etat signifie qu’il ne sera désormais plus possible à un investisseur (national comme étranger), à un promoteur immobilier, à une élite politique ou encore à un chef religieux, de se voir affecter un titre foncier sur les terres agricoles en milieu rural. Avec la concrétisation de cette mesure, ajoute-t-elle, les communautés locales ne seront plus dépossédées de façon définitive de leurs terres sans leur consentement éclairé et des compensations justes là où une expropriation s’avère nécessaire car répondant à un intérêt public bien prouvé. Cela étant, l’organisation de défense des agriculteurs estime que l’instruction donnée en ce sens par le Président est une réponse à l’appel des communautés rurales, suite aux multiples cas de conflits fonciers dont le plus emblématique est sans doute l’affaire Ndengler.
UNE RÉFORME FONCIERE EN SE RÉFÉRANT AU DOCUMENT DE POLITIQUE FONCIERE SOUMIS PAR LA COMMISSION NATIONALE DE RÉFORME FONCIERE (CNRF)
L’organisation de défense des citoyens-consommateurs pense que la décision du Chef de l’Etat d’engager des réformes afin qu’il ne soit plus possible d’octroyer des titres fonciers sur les terres arables réintroduit l’équité des citoyens dans la jouissance d’un bien commun entre le milieu urbain et rural. Elle dit comprendre l’existence de titres fonciers en milieu urbain car il y est plus question de petites parcelles à usage d’habitation. «Les droits réels trouvent leur pertinence en milieu urbain et la nouvelle mesure du Chef de l’Etat n’engendre en rien un déséquilibre en ce sens », ajoute-t-elle. Ce qui n’est pas le cas pour les paysans qui ont besoin d’être sécurisés sur ces terres. D’autant que de gros investisseurs peuvent venir, Titres Fonciers (TF) en main et bénéficiant de l’onction des pouvoirs publics, pour les exproprier de leur droit d’usage sans préavis. CICODEV indique par ailleurs que la décision du Chef de l’État répond à une cohérence dans l’élaboration des politiques publiques. Surtout que, précise-t-elle, la souveraineté alimentaire que le chef de l’Etat prône et l’agro écologie qu’il a consacrée comme l’un des piliers du PSE vert ne peuvent être réalisées si le pays dispose de terres affectées à l’agriculture pour permettre une production suffisante de vivres pour d’abord nourrir ses propres enfants. C’est aussi au nom de cette cohérence politique que CICODEV appelle le président de la République à remettre sur la table la question de la réforme foncière dans sa globalité, en se référant au document de politique foncière qui lui a été soumis par la Commission Nationale de Réforme Foncière (CNRF) en novembre 2017. Cela permettra d’aller vers des solutions concertées et exhaustives, des solutions consensuelles entre les familles d’acteurs à l’effet d’asseoir une gouvernance foncière porteuse d’un développement socio-économique, dans un cadre de paix qui profite à tous, lit-on en définitive dans la note parvenue à «L’AS».
Source:L’AS du 18 Janvier 2020