CRI DU CŒUR DES MARAICHERS EN SOUFFRANCE

L’institut panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement (Cicodev Afrique) a présenté hier les résultats de l’étude sur l’identification des contraintes liées à l’accès à l’eau productive des exploitations familiales agricoles du département de Rufisque. L’enquête a révélé que 90% des personnes interrogées ne sont pas satisfaites de leur niveau d’accès à l’eau.

La problématique de l’accès à l’eau dans le département de Rufisque a été étudiée en profondeur par CICODEV Afrique. Dans son enquête rendue publique hier, l’Institut panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement a partagé les résultats de son enquête qui est revenue de prime abord sur les causes du manque d’eau et du tarissement des nappes phréatiques dans le département de Rufisque. Le rapport révèle ainsi que Dakar ne dispose plus d’espace. Ce qui explique, précise-t-il, la ruée vers Rufisque qui enregistre encore des lotissements.

D’après l’enquête de CICODEV , ceci favorise une augmentation de la population dans la zone et naturellement, de la consommation de l’eau dans le département. «En tête dans l’agglomération dakaroise, le niveau de consommation en eau à Rufisque a augmenté de 17%, passant de 12 688 861 m3 à 14 865 662 m3. Au même moment, Guédiawaye, Pikine et Dakar enregistrent respectivement une consommation de 5,071% et 4,45% de leurs niveaux de consommation», relève-t-on dans le document parvenu à «L’AS».

Cette situation affecte fortement les maraîchers dont la plupart ne sont pas connectés aux forages. A cela, s’ajoute le fait que de nombreux forages ne sont pas fonctionnels. Ainsi, il est noté que 90% des personnes interrogées (sur l’échantillonnage de 100 personnes) ne sont pas satisfaites de leur accès à l’eau, déplorant une baisse progressive de la nappe, une faible capacité financière pour se doter de mini forage, la cherté du coût de l’eau (pour ceux raccordés au réseau de Sen’Eau) et du système de taxation (durée de livraison limitée, fixation d’une consommation moyenne par jour, application stricte de quota). L’étude montre également que la qualité de l’eau laisse à désirer.

En effet, 14% des enquêtés ne sont pas satisfaits de la qualité de l’eau (salinité, taux élevé de fer dans l’eau des forages de Thiaroye). Et pour ceux qui sont raccordés au réseau de Sen’Eau, 95% d’entre eux déplorent une rupture ou une baisse de pression régulières du réseau. D’autres qui utilisent des puits (Bambilor et Sangalkam) et qui ne sont pas connectés au réseau Sen’Eau affirment que de février à juillet, la nappe descend et le débit des puits devient très faible jusqu’à la prochaine saison des pluies (août).

RUFISQUE ET DAKAR RISQUENT A MOYEN TERME D’ETRE RAYES DE LA CARTE AGRICOLE DU SENEGAL

Fort de ce constat hier lors de la présentation de l’étude, le Directeur de CICODEV Afrique a rappelé avoir alerté quand l’Etat lançait le projet de construction de 11 forages dans la zone pour alimenter Dakar. «J’avais dit que ceux qui font la petite agriculture n’auraient plus accès à l’eau, car la nappe serait de plus en plus profonde, et que la recharge ne serait plus systématiquement assurée du fait des changements climatiques», a indiqué Amadou Kanouté. Aujourd’hui, d’après l’enquête réalisée par CICODEV Afrique, les exploitants agricoles familiaux situés dans le département de Rufisque qui abrite l’essentiel des terres agricoles de l’agglomération dakaroise avouent à 90% que le problème de l’eau est leur principale préoccupation, malgré les efforts consentis par l’Etat (une quinzaine de forages dédiés à l’agriculture, tarif préférentiel sur l’eau, projet de mise en place d’un domaine agricole communautaire équipé de forage etc…). Ces fortes menaces liées à l’accès à l’eau font craindre une disparition progressive de ces exploitations familiales. Il ressort du rapport que si ces exploitants agricoles n’accèdent pas à l’eau, leurs activités vont cesser, ce qui constituera un facteur de vulnérabilité du système alimentaire.

En effet, toujours d’après l’enquête de CICODEV Afrique, les maraîchers découragés abandonnent le métier et vendent leurs terres. Et de relever que les légumes et fruits deviennent rares et les prix connaîtront une hausse, du fait de la baisse de la production. «Si ce problème d’eau n’est pas pris à bras-le-corps par le Gouvernement, le département de Rufisque et la région de Dakar risquent à moyen terme d’être rayés de la carte agricole du Sénégal. Cette série de contraintes aura naturellement un impact négatif sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle», alerte CICODEV Afrique.

RECOMMANDATIONS

Pour une meilleure prise en charge de la dimension ‘’eau productive’’, quelques pistes de solutions ont été proposées par CICODEV Afrique. Il s’agit d’abord de revoir les modes de gestion des forages dédiés (Beer thialane et Thiaroye) pour une meilleure implication des associations de maraîchers, conformément aux résultats de l’Etude APD.

Ensuite, il est conseillé de développer des systèmes de transfert d’eau douce à partir de zones favorables vers d’autres qui en sont dépourvues. Par exemple, le Sénégal pourra raccorder les maraîchers à partir du Lac de Guiers ou des canaux principaux du PREFERLO. En plus, il est recommandé d’accompagner les exploitants agricoles dans leur partenariat avec les institutions financières pour l’installation d’ouvrages hydrauliques appropriés. «Le Fonds National de Développement agro-sylvo-pastoral pourrait financer une partie de cette enveloppe ou servir de fonds de garantie», ajoute l’étude. Enfin, il est recommandé de faire en sorte que les espaces à vocation agricole soient sécurisés et réservés exclusivement à cet usage.

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