DECLARATION DES ORGANISATIONS DE PETITS PRODUCTEURS ET PRODUCTRICES D’ALIMENTS ET DES ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

Nous sommes des délégué-e-s issu-e-s de différentes organisations et mouvements sociaux de petits producteurs et petites productrices d’aliments. Nous sommes des paysans, des pêcheurs et travailleurs de la pêche, des peuples autochtones et traditionnels, des éleveurs et des pasteurs, des travailleurs du secteur agricole et alimentaire, des sans-terre, des communautés urbaines et périurbaines vivant dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire, des consommateurs, des jeunes, des femmes et des ONG.
L’Agroécologie ne peut être comprise comme un simple ensemble de dispositifs technologiques et de pratiques productives. L’Agroécologie est un mode de vie des peuples en harmonie avec le langage de la Nature. C’est un changement de paradigme dans les relations sociales, politiques, productives et économiques de nos territoires pour transformer la façon dont nous produisons et consommons des aliments et pour restaurer une réalité socioculturelle dévastée par la production alimentaire industrielle. L’Agroécologie génère des connaissances au niveau local, construit la justice sociale, promeut l’identité et la culture, et renforce la viabilité économique des zones rurales et urbaines. Cette vision, ces principes et ces valeurs communes propres à l’Agroécologie, approuvés lors du Forum International d’Agroécologie de Nyéléni, en 2015, ont été continuellement enrichis, innovés, adaptés, multipliés, mis en pratique de différentes manières selon nos réalités et dans le respect de nos cosmovisions, de nos cultures, de nos économies et de nos systèmes alimentaires locaux, et basés sur une véritable production d’aliments agroécologiques. Nos peuples et nos organisations sont des sujets historiques qui, à travers leurs systèmes de production ancestraux et leurs luttes, ont réussi à progresser dans la construction de l’Agroécologie et de la Souveraineté alimentaire. En d’autres termes, ce n’est pas quelque chose de nouveau; c’est le fruit de la sagesse des peuples autochtones qui se renforce aujourd’hui avec la récupération de pratiques et de nouvelles innovations paysannes, en prenant soin de la Terre Mère et en produisant des aliments sains en abondance pour nourrir nos peuples. Nous, les femmes, nous ne sommes pas les objets des politiques qui entendent nous émanciper, mais des sujets actifs de l’Agroécologie et des gardiennes de la Biodiversité. Nous voulons que notre rôle central dans la production alimentaire et dans la reproduction de la vie, ainsi que dans l’économie de nos familles et de nos communautés, soit visible et reconnu. L’Agroécologie signifie la protection et la réalisation de nos droits en tant que femmes, et pas seulement en tant que mères et pourvoyeuses de soins au sein de nos foyers. L’Agroécologie implique notre pleine participation à la vie sociale et politique de nos communautés, en assurant notre accès à la terre, à l’eau, aux semences et aux moyens de production dans l’autonomie et la liberté. Notre participation équitable dans les espaces de prise de décision est indispensable. Nos peuples et nos organisations ont élargi et approfondi leurs connaissances par la construction collective et les alliances, par le dialogue des savoirs entre les différents secteurs et les générations. Pour nous, l’expansion de l’Agroécologie signifie qu’un nombre croissant de petits producteurs et productrices en prennent la direction; son ingrédient central est l’organisation sociale sur le territoire. C’est-à- dire les processus des organisations de femmes et d’hommes producteurs, travailleurs et consommateurs qui construisent les tissus sociaux, politiques, économiques et culturels qui nous permettront d’avancer dans la transformation d’un système agroalimentaire industriel en faillite, qui nuit à l’environnement et à la santé de nos peuples. Toute politique publique visant à soutenir et/ou promouvoir l’Agroécologie doit être élaborée et mise en œuvre avec la participation de son sujet central, à savoir les petits producteurs d’aliments et leurs processus d’organisation, de production et de formation. L’Agroécologie ne peut être un outil de plus pour l’expansion du modèle de production agroalimentaire industriel. En raison de l’absence de politiques publiques différenciées pour la jeunesse rurale, les jeunes représentent l’un des secteurs les plus touchés par la crise agraire, l’accaparement des terres et la migration vers les villes. L’Agroécologie apparaît comme un outil de transformation et de justice sociale pour garantir les droits des jeunes, en leur assurant l’accès à des conditions de vie décentes dans les zones rurales. Afin de garantir tout ce qui précède et compte tenu que les petits producteurs et les petites productrices constituent un pilier fondamental de l’Agroécologie, il est crucial de garantir les droits collectifs des peuples qui nourrissent le monde, à disposer d’un accès protégé et du contrôle des semences, sur la biodiversité, la terre et les territoires, l’eau, les connaissances, la culture et les biens communs. Face à l’urgence des situations d’asymétries, de crises prolongées, d’accaparement de terres, de conflits, d’occupations et de guerres, et face à la vague alarmante de criminalisation et de répression violente contre les défenseurs des territoires et des petits producteurs, nous appelons à : La mise en œuvre des processus fondés sur les Droits humains, pierre angulaire des Nations Unies et en particulier de la FAO, en citant, entre autres : le Droit à l’Alimentation ; les Directives sur les régimes fonciers ; les Directives sur la Pêche à Petite Echelle ; la Convention 169 de l’OIT ; le Consentement libre, préalable et éclairé ; la CEDAW et sa Recommandation Générale 34 et le processus de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Paysans et autres personnes travaillant en milieu rural. Nous saluons le fait que ce Symposium constitue une nouvelle étape vers la reconnaissance et la promotion de l’Agroécologie par les institutions intergouvernementales, les gouvernements, les universités et les centres de recherche. La FAO et les autres agences des Nations Unies doivent continuer à renforcer leur travail dans le domaine de l’Agroécologie. Cela exige que leurs organes de gouvernance prennent des mesures appropriées pour mettre en œuvre des politiques de marché, d’achats publics, de formation, de financement et d’assistance technique, entre autres, qui soutiennent les organisations de petits producteurs et leurs processus aux niveaux local, national, régional et international. Sans protection de nos Droits, il n’y a pas d’Agroécologie ! Sans féminisme, il n’y a pas d’Agroécologie ! Sans nos peuples, il n’y a pas d’Agroécologie !

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